construction accompagnée
construction accompagnée
PAPRIKA
11/02/13
Voilà!.... Paprika, le premier, est resté aux Antilles, et il me faut maintenant passer à autre chose. Autre chose, ce sera un doris de swampscot de 17 pieds. Il ressemblera à celui-ci mais n'aura pas une aussi grande voile. 9m2 pour un aussi petit bateau, c'est beaucoup trop pour moi et je préfère une voile non bômée et amurée au pied du mat. Mais nous n'en sommes pas encore là et je vais commencer par me construire le bateau et lui installer deux avirons de 2,40m. Quand je dis que j’ai fait ceci ou que j’ai pensé cela, il faut dire que je dois énormément à Emmanuel Conrath et que quand j’en construirai un autre, un jour, je ne le conçois pas autrement qu’en «conduite accompagnée»
Construction accompagnée à Clairoix, en novembre et décembre 2010.
le contreplaqué marine est produit en panneaux de 2,20m et il va de soi que, pour la sole et les bordés, j'aurai besoin de mettre plusieurs morceaux bout à bout. je commence par disposer les pièces du puzzle et vérifier que tout est bien à sa place.Les aboutages de planches sont appelés "scarf" la découpe du bois au laser permet de faire ces joints-puzzle, sinon, il faut les faire en biais, avec un rabot.
Les joints sont collés avec de la résine epoxyde chargée de silice et ils sont tenus en pression pendant le séchage tout simplement en vissant des tasseaux. On voit que l'achat d'un kit me dispense de calculer et dessiner les formes alambiquées des bordés. ce serait vraiment long, mais si j'avais la place à la maison je l'aurais fait, car ça ajoute à la connaissance que l'on a de son bateau.
Tout a été poncé pour éliminer les bavures de résine. La sole est maintenant posée sur les tréteaux à hauteur, les bordés sont prêts, les membrures (pièces transversales) ont été posées à leur place. Des petits trous ont été percés pour que je puisse passer mon fil de cuivre. Je vais commencer par "coudre" ensemble les pièces du bateau pour le mettre en forme. Il faut maintenant jouer de la pince.
Le premier bordé (le galbord pour une construction à quille)) est assez large pour que, bien cousu contre la sole, il commence à prendre la forme du bateau. Dès qu'il est installé, je couds les membrures et ainsi je crée un cadre qui facilitera la pose des bordés suivants et le respect de la forme. Les vikings construisaient ainsi leurs bateaux mais ils ne posaient les membrures que après. C'est le savoir faire du charpentier qui lui permettait de donner la forme en rivetant les clins (bordés à bord recouvrant)au fur et à mesure. Je ne suis pas viking et je préfère me guider avec les membrures et les planches prédécoupées pour avoir une belle courbure.
Voilà. Tous les bordés sont cousus ensemble. Chacun recouvre le bord de celui d'en dessous. Les fils de cuivre ont été bien torsadés à la pince et le niveau confirme ce que dit l'oeil. Le bateau est bien symétrique. Je ne bouge surtout plus rien et je vais déjà remplir de résine chargée les joints entre les clins, à l'intérieur de la coque. Je ne vais surtout pas coller les membrures, car elles seront retirées plus tard. Elles ne m'ont servi, pour l'instant, qu'à la mise en forme.
La résine a bien séché et j'ai pu retourner le bateau sans le déformer. Je vais donc remplir mes joints entre les clins à l'extérieur de la coque. La seringue est vraiment le meilleur outil pour ce faire. Il faut mettre des gants en latex pour se protéger les mains. la résine epoxyde est vraiment une saloperie pour la peau.
J'ai encore une fois retourné la coque. J'ai imprégné la surface du contreplaqué avec une résine plus liquide et non chargée. on fait cela au rouleau. L'essentiel est de poncer et de nettoyer. La moindre imperfection dans la surface se verra et sera difficile à récupérer. Le bois prend déjà une teinte chaleureuse. C'est pour cela qu'on aime les bateaux en bois. Les meilleurs outils pour les joints sont, là encore la seringue et la cuiller en plastique.
J'ai enlevé les membrures avant d'imprégner. Le bateau ne se déformera plus, car les clins sont collés à l'intérieur et à l'extérieur. (Les liens en cuivre ont été enlevés, on n'en a plus besoin). Une grande pirogue vide, c'est impressionnant. Imaginons un drakkar de 16 metres! Bon, d'accord, le grand angle ça aide.
Et, bien sûr, il faut poncer encore et nettoyer encore. Parce que, maintenant, je vais passer à l'étape dite de "stratification" de l'intérieur. Je double le bois avec un tissu de verre et il faut absolument éviter les bulles d'air et les saletés qui empêcheraient les deux matériaux de n'en former plus qu'un.
J'étale la résine epoxyde avec une spatule en plastique. Il ne faut pas trop de résine (elle deviendrait cassante) ni trop peu (le tissu ne collerait pas et tout serait raté). On étale, on tire, et finalement le tissu devient transparent et on retrouve la belle couleur du bois.
Il restera à couper le bord du tissu au niveau du clin et puis à poncer encore et encore, une fois que tout sera bien sec. Je pourrai alors remettre en place les membrures (que j'aurai modifiées). J'ai préféré procéder ainsi pour avoir mon tissu d'une seule pièce. c'est plus de travail mais c'est bien plus propre et satisfaisant pour l'esprit.
Pendant que tout cela polymérise et sèche, je m'attaque au puits de dérive, car mon bateau se verra équipé d'une voile au tiers, d'un safran et, bien sûr d'une dérive. Je tartine une bonne épaisseur de résine chargée sur les parois du puits. Ainsi le bois ne sera pas attaqué à l'usage par le sable et les frottements.
Le plan original prévoit quatre bancs de nage (oui, on dit nager chez nous et ramer en méditerranée) sur les quatre membrures. Le fait de vouloir en faire un petit dériveur de la famille des voile-avirons oblige à de nombreuses transformations du kit. Il faut absolument avoir tout pensé avant de mettre de la résine. Bon, il ne faut pas frimer non plus. Il y a déjà eu une transformation de faite, puisque j'ai mis la photo sous voile au début et les modifications sont minimes par rapport au prototype.
Les membrures ont été rehaussées et doublées en épaisseur. La membrure arrière sera avancée et rehaussée également; J'aurai ainsi deux grands coffres: à l'avant et à l'arrière.
On voit bien la pièce rajoutée pour rehausser la membrure. Le trou percé en bas servira à faire passer un tuyau en plastique. on verra plus loin pourquoi.
Le puits de dérive a été mis en place et un joint congé en résine chargée le colle définitivement. (ce qu'on appelle la dérive devrait plutôt s'appeler le plan anti-dérive)
Une cloison supplémentaire est ajoutée devant la membrure. L'idée du départ était de faire un ballast qui ajouterait une cinquantaine de litres d'eau pour la stabilité sous voile. C'est ce qu'à fait Arwen Marine sur son prototype. Après avoir entendu ses commentaires sur le comportement du bateau, je me suis dit que faire deux coffres et y mettre, par exemple, trente kilos de matériel ou deux batteries, permettra le même effet qu'un ballast et sera plus pratique. Mon idée, également, c'est de faire un ensemble de banquette, comme un cockpit, plutôt que deux bêtes bancs de nage en bois lourd. Les caissons ainsi formés sur les côtés seront de bonnes réserves de flottabilité.
Pour coller les parois du coffre, comme je ne peux pas utiliser de serre joint, il suffit d'y mettre du poids et de faire le joint congé. On voit bien les tuyaux en plastique qui font communiquer l'avant avec la partie centrale où se trouveront les vide-vite que je vais installer. Ces passages d'eau sont des "anguillers"
VOILA. LES PAROIS VERTICALES SONT TOUTES COLLÉES. LE BATEAU COMMENCE A PRENDRE SON ALLURE DEFINITIVE... ET DU POIDS AUSSI !
Avant de coller les parois horizontales, il me reste un petit pensum à l'extérieur de la coque. J'enlève les quelques fils de cuivre que j'avais remis pour tenir les membrures en place avant leur collage. Un bon ponçage et un masticage à l'époxy de tous les trous ayant servi à ces liens. Encore un ponçage pour enlever les bavures que je viens de faire et la coque présente un aspect de surface satisfaisant.
Retour à l'atelier et je fixe les quatre banquettes du centre et les deux panneaux de dessus des coffres. Pour bien faire, une seule solution: du poids. Les tendeurs à l'arrière servent à empêcher que, avec ce poids, le panneau ne glisse hors de son emplacement, car il est assez incliné. A l'avant j'installe un garrot espagnol pour éviter que sous le poids le panneau n'écarte les bordés et dégringole d'un étage.
Ouf, un bon cordon d’époxy et tout ça devient indestructible.
Voilà! La guirlande a pris sa place à l'avant. Je peux dire que "Paprika" a pris son aspect définitif et peut porter son nom. je vais le retourner et le remettre sur le chariot d'atelier. Au passage, on voit que le bordé du haut (le carreau) est encore bien souple. Le liston en bois rouge remédiera à cette petite faiblesse.
Pendant qu'il fait soleil, j'en profite pour raboter les listons que j'avais "scarfés" (mettre bout à bout les pièces pour en faire une plus longue) depuis quelques jours et qui sont maintenant solidement collés.
Et puis, retour à l'atelier, Paprika sur le dos sur son chariot.
Je mets en place le tissu, d'une seule pièce, qui viendra renforcer le fond du bateau, par stratification.
Et maintenant, même punition que pour l'intérieur du bateau: on verse la résine et on étale. Blanc, c'est sec, gris, pas assez, transparent, c'est correct, mais il faut encore voir la trame, sinon, c'est beaucoup trop.
Pour finir, un cutter bien coupant sert à la finition des bords et avec un petit pinceau j'enlève les bulles d'air qui se forment au bord du clin à cause du chauffage par le dessous. Il vaut mieux cela, de toute façon, car si certains prétendent pouvoir utiliser l'époxy à quinze petits degrés, je vois bien que ça poisse encore le lendemain si on a été chiche avec le chauffage.
Une fois la stratification bien solide et sèche, je fais l'ouverture et, avec le ciseau, je descend précautionneusement une feuillure pour encastrer les vide-vite. Bien sûr, je fais le pré-percage pour leur fixation.
Le bateau est revenu à l'endroit. J'ai d'abord assemblé les trois longueurs de listons par scarf, puis je les ai raboté. maintenant, il me reste à faire le plus rigolo: les fixer par collage à leur place. Ces listons sont essentiels dans la rigidité du bateau. On a vu sur la photo que le carreau est très souple. Certains préfèrent installer l'un des listons à l'intérieur de la coque, à la manière d'une serre-bauquière, façon marine à l'ancienne. Ca se discute. On s'assied en général dos à la paroi et cette barre dans le dos doit être gênante.
Le second liston est collé sur le premier. Il y a soixante dix serre-joints ou presses utilisés pour cette opération. On voit qu'il vaut mieux construire son bateau dans un chantier bien équipé, à moins d'avoir une belle collection d'outils.
La pointe avant du liston est fixée par l'une des rares vis du bateau, qui prend dans la guirlande. Ce sont des vis en inox dont la tête est ensuite noyée dans la résine. La fraise "quart de rond" est utilisée avec précaution (l'outil est dangereux) pour un beau fini du liston. Ponçage, encore, puis le bateau est remis sur le dos et retourne à l'atelier.
Le skeg est collé à sa place (petit embryon de quille qui dirige le flux vers le safran) puis je fais l'imprégnation de toute la coque avec la résine bien liquide - dix pour cent de diluant -. Séchage, ponçage, séchage, ponçage... Il y aura trois couches de résine à l'extérieur de la coque, voire même quatre sur la sole et le premier bordé.
Après un long séchage, je retourne encore le bateau et je prépare l'installation des trappes de coffres.
Traçage, perçage des angles, découpe à la scie sauteuse. Voilà ! Le prototype de ArwenMarine est muni de trappes rondes d'un diamètre assez petit, comme sur un kayak de mer. J’ai préféré les trappes de pont de 20x30 pour enfourner pique-nique, pare battage, aussières, gilets dans les coffres. Même si l'étanchéité est moins avérée.
Les trappes seront fixées définitivement quand la peinture et le vernis seront faits. Il me reste maintenant à retourner encore une fois le bateau pour la peinture extérieure de coque. On en profite pour installer une balance romaine sur la chêvre. Le verdict sera... 67.5 kilos avec son accastillage. Les modifications par rapport à la version de base ajoutent donc 22 kilos de bois et de résine. Et il n'y a pas encore le safran, la dérive, le mat, la toile...
Ce sera un blanc très légèrement teinté de gris. Peinture polyuréthane à deux composants avec solvant. Le chantier n'a pas encore fait le pas de la peinture non-solvantée. Ca viendra. tout se fait au pinceau. Trois couches. Un vrai miroir!
La peinture une fois sèche, le bateau revient dans le bon sens pour le vernis de l'intérieur.
Et, bien sûr, on commence par poncer, poncer, poncer... C'est l'occasion d'admirer les enjoliveurs du puits de dérive. Ils sont en ébène et rendront une couleur magnifique, une fois vernis. C'est du bois qui me restait de mon premier Paprika.
Avant de vernir, un arrosage à l'eau claire enlèvera toutes les poussières du ponçage. C'est l'occasion de faire une photo de Paprika à côté de son prototype. On voit les petites différences entre les deux: pas de bancs en sapin (deux kilos de moins), trappes sur le dessus des coffres, Pas de nables sur le compartiment ballast.
Quatre couches de vernis polyuréthane donnent la profondeur et la chaleur du bois. Tout cela prendra sa patine au soleil.... quand il y aura du soleil.
Un petit passage sous la grue pour travailler plus à l'aise. Après avoir installé les taquets et les chaumards en laiton, je mets Paprika sur le flanc pour installer les reniflards des caissons de flottabilité.
Puis sur l'autre côté, pour installer les vide-vite.
Ici, on voit bien le barrotage que j'ai installé sous les pontages avant et arrière. Je préfère renforcer ainsi le contre-plaqué. Je serai plus tranquille pour marcher dessus. Une fois ce barrotage bien collé, je peux visser les trappes en place, avec une bonne quantité de joint-colle.
Bon, maintenant, il ne neige plus, c'est déjà ça! Alors, il faut y aller. retour vers la maison sous pluie battante. Paprika sera bien mouillé avant d'avoir mis son bouchain dans l'eau!
photos prises à Clairoix: Arwen Marine